Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Xena, mes fans fictions
Derniers commentaires
25 octobre 2012

L'hiver finira un jour, chapitre 5

Le maître des écuries avait semblé très honoré de la recevoir. Petit et massif, il paraissait bien peu fait pour chevaucher les bêtes fantasques qui faisaient la réputation du royaume. Il portait un manteau énorme, doublé de fourrure, et durant son discours interminable, Gabrielle ne put détourner les yeux du col de son vêtement, à l'endroit où son cou disparaissait. On aurait dit que sa tête était posée directement sur ses épaules. Bien plus tard, après que le chaos ait bouleversé sa vie, Gabrielle se souviendrait de ce détail comme du dernier instant d'ignorance qui lui fut offert. Elle l'aima bien, ce petit homme ventripotent si fier de ses chevaux. Elle l'écouta avec indulgence, parce qu'il était nouveau, et définitivement étranger à son monde. Il lui parla de choses dont elle ignorait tout, dont à vrai dire elle se moquait. Elle voulait juste son cheval. Elle n'avait plus monté depuis son enfance ; elle n'était d'ailleurs pas très sûre de savoir encore comment s'y prendre, mais elle avait bien l'intention d'essayer. Le petit homme lui assura que sa nouvelle monture lui conviendrait à merveille, parce que, n'est-ce-pas, des écuries royales ne sortaient que les meilleurs chevaux. Gabrielle approuva cette affirmation qu'elle n'avait même pas entendu. Elle contemplait le cadeau du seigneur Caron. Pour la première fois depuis le départ de ce dernier, elle avait envie de sa présence. Elle avait envie qu'il lise dans ses yeux la joie dont il l'avait remplie. Mais il n'était plus là, personne n'était là qui soit susceptible de comprendre. Alors elle se promit intérieurement que dès son retour, le seigneur Caron saurait ce qu'il avait fait pour elle.

Au début, ce don merveilleux se résuma surtout à des rêves. Gabrielle possédait un cheval, certes, et un cheval magnifique, mais qui était aussi l'un des étalons les plus sauvages des écuries. Bien que dressé, il avait tendance à redouter les étrangers. Gabrielle dut donc apprendre la patience, durant ces longs jours où elle se contenta de promener l'animal dans le parc, entourée d'écuyers prévenants et de gardes silencieux. Tout le monde semblait avoir peur pour sa sécurité. On lui refusa longtemps de monter ce cheval incertain. Comme disait avec orgueil le maître des écuries, ici, c'était la bête qui choisissait son cavalier et non l'inverse. Gabrielle fit de son mieux pour se conformer à cet usage. Dans le froid, au mépris des conseils avisés de sa dame de compagnie, elle accorda des heures au nouveau rêve qui envahissait son existence. Ses efforts furent récompensés lorsqu'enfin, on lui permit de monter. Ce furent d'abord de très brèves promenades, un écuyer tenant la bride, un autre suivant à cheval pour éviter tout incident. Puis elle eut le plaisir de guider elle-même sa monture, toujours soigneusement encadrée. Enfin, elle fut libre. De manière très relative, bien sûr, car elle ne montait jamais seule, et la présence d'un écuyer auprès d'elle imposait celle d'un garde. Mais elle s'en moquait. Ces hommes silencieux ne la gênaient guère. Pendant environ une semaine, elle goûta à pleines bouffées le plaisir de redécouvrir le parc de son enfance au cœur de l'hiver. Son cheval l'emmenait partout ; nerveux et peu coopératif, il semblait avoir son idée sur l'itinéraire à suivre. Au début, Gabrielle lui imposa les voies tracées dans la neige. Elle apprit peu à peu à se laisser mener, au gré des fantaisies de sa monture, certaine qu'il la ramènerait toujours à bon port. Il se nommait Montag.

Petit, il se différenciait des autres chevaux par sa robe claire, presque crème, qui semblait palpiter de vie lorsque le vent la caressait. Il n’appartenait pas tout à fait à ce monde et pour cette raison, Gabrielle l'aimait. Elle aimait aussi le respect nouveau qu'il lui arrivait de lire dans le regard de ses servants lorsqu'elle revenait de ses longues ballades. Elle aimait même l'admiration mêlée d'inquiétude de Béatrice, sa dame de compagnie. Il semblait qu'elle avait changé de statut. Cela finit par transparaître concrètement, lorsqu'au lieu d'écuyers on lui envoya des palefreniers chargés de la suivre à distance. De simples palefreniers, sans chevaux ni armes, des serviteurs parmi tant d'autres. Ce changement entraîna la disparition de son escorte militaire. Que pouvait-il lui arriver dans le parc, semblaient avoir pensé ceux qui dans l'ombre œuvraient à sa sécurité ? Il apparut que la réponse était : rien. Et ainsi, elle goûta la liberté. Ainsi, elle sut vraiment ce que lui avait offert le seigneur Caron. Elle ne se demanda jamais pourquoi le fidèle allié de son père l'avait fait, elle se contenta d'en savourer la saveur. Elle était Gabrielle, une femme qui vivait de songes. Elle vécut celui-là jusqu'à l'ultime seconde. Et puis le songe devint cauchemar.

 

 

 

Publicité
Commentaires
Xena, mes fans fictions
Publicité
Archives
Publicité