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17 octobre 2012

L'hiver finira un jour, chapitre 1

Disclaimers : un hommage à la princesse guerrière et à ses multiples vies, juste pour le plaisir

 

La première fois qu'elle le vit, ce fut dehors, dans le froid et la neige. Il lui sembla par la suite qu'aucun écrin n'aurait pu mieux sertir la sauvagerie infinie de cet être qu'elle ne connaissait pas encore. Mais au début, elle ne pensa rien. Elle se contenta de regarder, immobile, glacée, le cœur silencieux et l'esprit absent. Même la beauté du parc ne la touchait pas. Elle était venue s'y réfugier, souhaitant une solitude que tous et partout lui refusaient. Sa dame de compagnie suivait son parcours chaotique dans les allées recouvertes de neige. Quelques pas seulement les séparaient, mais elle avait presque réussi à oublier sa présence. Elle s'arrêta à son emplacement favori, là où le parc cédait la place aux activités du monde extérieur, ce monde qu'elle ne connaissait pas. Elle appuya ses coudes glacés sur la rambarde, se plongea dans la contemplation du spectacle quotidien des palefreniers. Elle trouvait leur régularité apaisante. Chaque jour, à la même heure, ils sortaient les chevaux qui avaient fait la renommée du pays ; chaque jour, à la même heure, elle venait les regarder. Elle écoutait les cris échangés sans en comprendre le sens, attentive surtout aux mouvements bien réglés de leur ballet. Elle n'avait jamais parlé à l'un d'entre eux. Pour elle, ils n'étaient qu'ombres sur le champ de neige, mirages dont son imagination se nourrissait sans fin. Elle n'éprouvait pas le besoin de se confronter à leur réalité. Quelque part au fond de son esprit, d'une manière inconsciente, elle savait que cela aurait détruit la magie de l'instant. Pourtant, ce jour-là, le monde fut plus fort que les défenses de ses rêves. Et ce fut grâce à lui, grâce à cet homme dont elle ignora le nom pendant des semaines entières. Soudain, une ombre prit vie sous ses yeux.

 

Elle le remarqua d'abord parce qu'il semblait seul au milieu des autres. Elle ne l'avait jamais vu. Depuis des jours qu'elle observait les palefreniers, elle en était venue à reconnaître leurs moindres attitudes sous les lourds manteaux d'hiver. Celui-là ne portait qu'une tunique sombre, comme s'il ne craignait pas le froid. Il avait des jambières éclatantes, d'un rouge sanglant qui attirait l'oeil. Il tenait par la bride un cheval aux couleurs fauves, et il marchait, tranquille, une main derrière le dos, dans l'agitation incessante du manège.

Elle ne le connaissait pas, elle en était sûre. Tout dans son attitude lui était pourtant familier, de la manière négligente dont il guidait le cheval jusqu'à sa tête nue fièrement rejetée en arrière, comme un défi lancé aux éléments. Elle ne l'avait jamais vu, mais il était inscrit dans sa mémoire. Alors elle le contempla, si seul, si calme, dans la foule, et de cette observation silencieuse naquit son rêve. Un rêve très différent des autres, un rêve qui chantait des mots étrangers, un rêve auquel elle n'ajoutait aucune signification. Un simple rêve.

Il lui donna la force de vivre pendant des jours. La solitude qu'elle recherchait tant lui était échue par le pouvoir de l'imagination. Après cette première rencontre, l'ombre de son rêve vint l'emplir de sa réalité silencieuse. Seule, elle le demeurait, bien sûr, mais dans l'obscurité une flamme plus sombre encore l'attirait. C'est ainsi qu'il changea sa vie, avant même de savoir qu'elle existait. Par le pouvoir de l'imagination, d'abord. Par la manière dont il en devint le maître, ensuite, en silence, sans l'avoir jamais vue. Par sa réalité, enfin, dans un monde empli d'ombres, c'est ainsi qu'il changea sa vie.

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